Sacha Parent & Valentine Tiraboschi, Grand Prix Design Parade Hyères 2024, “Mécaniques granulaires”

Une recherche appliquée menée au Cirva et à la Manufacture de Sèvres, interrogeant les techniques de mise en forme du verre et de la porcelaine à travers le prisme du grain
Révélées en 2024 par le Grand Prix Design Parade Hyères, Valentine Tiraboschi et Sacha Parent constituent un duo de designers diplômées de l’ENSCI – Les Ateliers, complété par une formation au métier de staffeur chez les Compagnons du Tour de France pour Valentine. À partir de leur complémentarité et de leurs expériences de la matière, elles ont défini une méthode de conception et de production que l’on a pu découvrir l’an dernier à travers leur projet ornemental Le décor par le sable.
Depuis l’automne 2024, elles étendent leur champ de recherche grâce aux résidences offertes par la Manufacture de Sèvres et le Cirva à Marseille. De deux ateliers d’exception, d’un même protocole de conception appliqué aux matériaux mis à leur disposition, elles génèrent deux occurrences présentées en miroir dans l’exposition.


Accompagnées par les artisans de la Manufacture et du Cirva, nous avons imaginé des procédés de dessin par la matière qui, directement, nous permettent de composer des volumes en porcelaine ou en verre. Nous avons restreint notre protocole de recherche et de création à une particule infime de la matière : le grain.

  • À Sèvres, nous avons cherché une autre méthode de fabrication que la production traditionnelle de porcelaine coulée dans un moule en plâtre. Nous sommes parties du composant principal de la barbotine, le kaolin, qui est broyé et concassé à la Manufacture. Dans le laboratoire, nous avons mis au point une recette pour exploiter ce gisement de matière semi-transformée sous forme granulaire. Nous avons ensuite procédé à différents essais visant à mettre en forme ces grains de kaolin une fois figés par la cuisson.
    Bousculant ainsi le processus classique de la filière de production de la Manufacture, nous explorons une nouvelle option formelle et technique qui permet de réemployer le kaolin des pièces déclassées et de sauter de nombreuses étapes de fabrication.
    L’objet final est un vitrail de porcelaine, une déclinaison contemporaine de la lithophanie, un savoir-faire patrimonial de la Manufacture. Nous avons imaginé des cadres pour compartimenter et guider l’écoulement des grains de kaolin, provoquant des variations de densités qui filtrent la lumière et révèlent le motif. Cette composition est un hommage aux céramiques architecturales fabriquées à Sèvres par le passé, et présentées dans un pavillon de l’exposition des Arts décoratifs de 1925.
  • À Marseille, il nous a fallu comprendre le système productif du verre afin de répertorier des ressources granulaires comme point de départ de notre protocole. Le grain de verre passe par différentes échelles, de la poudre de silice à la perle, avant de devenir une bulle que les artisans déforment à l’envi.
    Nous avons puisé dans les stocks endormis du Cirva provenant de leur collaboration avec Gaetano Pesce (1987, 1996 et 2000-2006). Le designer italien avait utilisé la silice de sablage, laquelle a naturellement convenu à notre technique d’écoulement. Il en résulte une série de coques dont les faces sont traitées en deux finitions (sablée et vitrifiée). Nous avons également réutilisé des perles de verre qui servaient de charge à Pesce pour ses pièces thermoformées. Patiemment nous les avons assemblées en collier et montées en volume pour former des coupes et des paniers ajourés. Enfin, nous avons détourné des billes thermodurcissables pour les agencer en monticules que la cuisson a fixés. Les verriers, eux, ont réalisé des volumes spiralés qui font écho à la vannerie à chaud.
    Suite à ces expérimentations, le développement de plats, de coupes et de vases illustre les possibilités décoratives offertes par les différentes échelles du « grain ». Les grains, ou les sphères, s’assemblent pour composer les volumes et les motifs.

  • Ces deux temps de résidence exceptionnels nous ont permis de produire des séries d’artefacts qui nous interrogent collectivement sur des notions de vocabulaire, d’ornementation et d’esthétique contemporaine. Le CIRVA et la Manufacture de Sèvres ont été deux centres de recherche que nous avons pu aborder par « le faire » grâce auxquels nous avons développé et hybridé des procédés de fabrication innovants.

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