Guanyu Xu

Lauréat du Grand Prix du Jury Photographie 2020

Pour de nombreux immigrants, le domicile ne sera jamais un lieu privé
et sûr. Dans le cadre de mon projet en cours, Resident Aliens, je trouve des participants possédant différents statuts d’immigrant aux États-Unis. Sur invitation, je photographie leurs domiciles et leurs effets personnels, j’imprime ensuite ces images, en plus des archives photographiques personnelles de mes sujets. Ces tirages sont alors réinstallés au sein de leurs espaces telles des installations temporaires et sont également documentés en tant que photographies. Les actions performatives que je mène avec les participants ne sont pas seulement une pratique sociale représentant complètement leurs identitéet leur histoire complexe, mais aussi une négociation du pouvoir et des stéréotypes présumés. En tant qu’« étranger » entrant sur leur « territoire », je transforme leurs états d’être temporaires en installations et conserve les constructions sous forme de photographies. Ce projet présente
les expériences intimement nuancées des immigrants à leur domicile, plus généralement aux États-Unis. Ces convergences d’espaces et de temps invitent le public à pénétrer dans des espaces constitués de fluidité plutôt que de perspectives fixes. Elles mobilisent son regard, son imagination et son attention, échappent à toute définition stricte.
Le projet se situe au croisement de la photographie, de l’installation et de la performance, aboutissant à la construction d’images stratifiées touchant à l’identité, à l’histoire personnelle et à l’environnement construit. Ma propre expérience ainsi que la collection d’histoires semblables racontées par mes amis m’ont incité à entreprendre « Resident Aliens ».

La création et l’usage de la peur nous contrôlent psychologiquement. Un alien résident, qui doit payer ses impôts au même titre qu’un citoyen, aura probablement à lutter pour être assimilé dans l’espace public mais en plus de cela, il ne pourra pas considérer sa maison comme un havre de
paix. Nous ne sommes pas citoyens et nos maisons sont temporaires. Sous l’oppression systématique, rester chez soi reviendrait dans une certaine me- sure à demeurer dans une résidence surveillée : soit nous sortons et luttons pour l’assimilation, soit nous restons en nous inquiétant de l’évolution de
la politique d’immigration et des affaires étrangères. Pour de nombreux immigrants, le domicile ne sera jamais un lieu privé et sûr. Ma volonté de photographier les individus chez eux résulte de cette perpétuelle situation contradictoire et temporaire. Lors des changements de politiques migratoires sous Trump, de nombreuses personnes se trouvaient dans un état d’incertitude permanent. Ces constructions
du pouvoir étatique catégorisent sans cesse les immigrants comme de potentiels criminels. Pour de nombreuses personnes que j’ai photographiées,
la pandémie accroît même leurs difficultés.

Au travers de collaborations et de conversations, « Resident Aliens » rapporte les situations compliquées auxquelles sont confrontés les immi-grants aux États-Unis.
J’aimerais poser une question : dans ce monde interconnecté, comment redéfinir la citoyenneté et la légalité d’un individu ?


L’artiste ́́́ Guanyu Xu (né en 1993 à Pékin) vit et travaille à Chicago et
est professeur à l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign. Influencée par la propagation d’une idéologie dans la culture visuelle américaine et par une éducation familiale conservatrice en Chine, la pratique de Xu s’étend de l’étude de la représentation du pouvoir par la photographie à la question de la liberté personnelle et des liens qu’elle entretient avec les régimes politiques. Il traite ces sujets depuis sa propre perspective, celle d’un homme gay chinois. Dans son travail, Xu migre d’un support à l’autre, tels la photographie, les nouveaux médias ou l’installation. Ces mouvements fonctionnent sur le même mode que son identité déplacée et fracturée.

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