Hyères, 1986. Aux origines du Festival de mode
Dans le cadre du 38e Festival international de mode, la villa Noailles est heureuse de présenter une sélection d’archives inédites du premier Salon des jeunes créateurs de mode. Cette présentation retrace les origines d’une manifestation unique, qui promeut depuis près de quarante ans les talents émergents dans les domaines de la mode et de l’accessoire, et depuis 1997 de la photographie.
L’aventure débute à la fin de l’année 1985. Au Park Hotel à Hyères, Jean-Pierre Blanc réunit ses amis Anne-Sophie Dozoul, Valérie Dodard, Roberto Tendel, Caroline Bonnet, Thierry Herbane, Natacha Ciavaldini et Nicole Lacroix pour créer une manifestation d’ampleur centrée sur la jeune génération de stylistes. Porté par l’émulation créative de la décennie 1980, le groupe souhaite « promouvoir les idées novatrices » en réunissant professionnels du milieu de la mode et jeunes talents. C’est dans cette perspective que naît le Salon des jeunes créateurs de mode. Cherchant à promouvoir leur projet, et déterminés à faire d’Hyères une annexe de la capitale de la mode, la jeune assemblée sollicite plusieurs grands créateurs de l’époque, d’Hubert de Givenchy à Thierry Mugler, en passant par Jean-Paul Gaultier et Claude Montana.
Arlette Decock, fondatrice de la marque Chacok et figure incontournable de la mode sur la Côte d’Azur, préside le premier jury aux côtés du styliste Philippe Salvet. Ils sont rejoints par Ray Marjory, créateur de mode, Martine Grandval, présidente du Syndicat national des stylistes industriels, et Françoise Chassagnac, présidente du Fashion-Group. Durant quatre jours, Hyères vit au rythme du premier Salon. Les mannequins traversent l’avenue Gambetta pour se rendre aux défilés, et les finalistes prennent la pose près des monuments ou sous les palmiers, éveillant la curiosité des passants. Nourris de cette effervescence collective, et dans une bonhomie décomplexée, les finalistes présentent leur collection sous les voûtes de l’ancienne église anglicane à Hyères où se tiennent les défilés. Le soir du 24 mai 1986, Jean-Pascal Dothilien devient le premier lauréat de l’histoire du festival, remarqué pour la simplicité formelle de sa collection, la qualité d’exécution des coupes et la singularité des volumes. Vincent Jerome Smith remporte le 2e Prix, et le duo niçois Jack Gomme celui de l’humour. Largement couvert par la presse, le succès de cette première édition est unanime. Tous soulignent l’originalité du projet, l’énergie des collaborateurs et l’œil exigeant de Jean-Pierre Blanc.
Cette sélection d’archives raconte ainsi les prémices d’un projet, qui n’a eu de cesse d’évoluer et de grandir depuis 38 ans. Elle est aussi le miroir d’une collection méconnue, riche de quelque 20 000 archives documentaires constituées depuis 1986. C’est en 1996 que le Festival mêle son destin à celui de la villa Noailles – alors en restauration –, en faisant d’elle le lieu de présentation des défilés. En 1990, une première exposition y fut organisée par Jean-Pierre Blanc. Depuis 1993, le Festival enrichit ses collections documentaires en conservant, chaque année, une partie des tenues présentées par les lauréats. Plus de 300 looks ont ainsi rejoint les archives du Festival pour former un ensemble d’une grande diversité. Comme un livre ouvert sur la jeune création, les collections mode et les archives relatent conjointement les débuts d’innombrables stylistes, créateurs de mode et photographes. Cette collection unique est conservée à la villa Romaine dans le centre-ville d’Hyères ; la villa Noailles souhaite à terme la mettre à disposition de chercheurs, étudiants en mode, stylistes ou spécialistes, pour œuvrer à la valorisation de cet ensemble.
En 2003, en accord avec la ville d’Hyères, la création du centre d’art scellait l’alliance entre le Festival de mode et la villa Noailles, en devenant un jalon essentiel de sa programmation. Deux décennies plus tard, à l’approche de son quarantième anniversaire, cet événement à Hyères est la première manifestation de mode, sous la forme d’un festival, consacrée à la jeune création dans le monde.
Nino Barattini