Thaddé Comar

Aujourd’hui propose une réflexion sur la relation entre les élites politiques et le paysage médiatique télévisuel dominant. Réalisée entre 2019 et 2024, la série interroge l’influence du monde de l’information et le phénomène de surenchère. La machine médiatique est en marche, mais rien n’est dit sur les sujets qui accaparent autant d’attention. Il y a vingt ans, lors des événements du 11 septembre 2001, nos écrans et la presse déversaient l’actualité en flot continu. Le sujet était connu, car l’effondrement des tours jumelles tournait en boucle à la télévision, et les journaux s’étaient alignés sur les images à diffuser. Comar, lui, ne révèle rien. Le présent livre s’ouvre sur un plateau de télévision aux lumières et écrans allumés, vidé de présence humaine, prêt à fonctionner et à dérouler le fil de l’actualité. Les pages suivantes sont toutes aussi vides de sens. Le spectacle des nouvelles du monde est totalement absent de la série. Avec un jeu de retournement, le photographe nous met face à l’agitation du flux d’informations. Rien ne laisse entrapercevoir le monde extérieur. La sensation de bruit est suscitée par l’impression de chaos : un attroupement de journalistes à l’affût d’un mot qui créerait l’événement, d’une annonce qui bouleverserait l’opinion publique.
Alors que nous vivons dans une société qui vibre au rythme d’images provenant de la planète entière, des lieux les plus centralisés à ceux les plus reculés, Thaddé Comar a choisi de travailler dans un espace unique, l’Assemblée nationale, à Paris, là même où le monde est discuté, commenté, où les lois sont votées, décidées. Comar a choisi le lieu du pouvoir, où la parole se fait entendre, où l’on cherche à convaincre. Les caméras filment, les micros sont ouverts et pourtant, nous regardons quelque chose de muet. Les élites politiques sont inaudibles. Elles sont placées au centre de l’attention, mais on ne connaît ni le sujet de leur prise de parole ni leur camp politique – bien que certaines personnalités soient tout de même reconnaissables. La convergence de caméras et de micros ne fait aucun doute : ces personnes s’expriment sur l’actualité, sur le monde extérieur. Plongé au cœur de ce moment médiatique, notre regard est comme asphyxié par la cacophonie ambiante.
En capturant les coulisses d’événements médiatisés, Thaddé Comar révèle comment médias et politiques sont souvent impliqués dans une danse complexe, où chacun maintient son influence et son pouvoir. Les deux se nourrissent mutuellement, transformant la consommation de l’information en un spectacle constant. Le photographe traite ici de « fatigue médiatique », un phénomène où l’exposition constante à un flot d’informations finit par engendrer une saturation et une désensibilisation. Ses images soulignent cette saturation par leur mise en scène de dispositifs médiatiques (plateaux télévisés, dispositifs de prise de son et d’images), souvent en surabondance, et leur capacité à détourner l’attention des spectateurs des événements eux-mêmes.

Nathalie Herschdorfer

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