“Glass Forms In Nature” par Claire Pondard & Léa Pereyre

La créativité dont jouit la Nature la rend capable de dépasser sa propre rationalité biologique, et celle de l’homme, pour formuler de pures expressions de liberté artistique. L’inclination du vivant à s’organiser selon des structures récurrentes, des agencements parfois flatteurs, en usant de la répétition de motifs simples et complexes, invite à l’expérience esthétique. De cette façon, la Nature peut être Art, comme l’art peut porter un discours sur le rapport sensuel de l’homme à la Nature. Dans le sillon d’Ernst Haeckel (1834-1919), qui mît en valeur l’aptitude d’organismes biologiques à tendre vers le sublime, Léa Pereyre, Claire Pondard et le Cirva ont composé le projet Glass Forms
in Nature.

Les vases d’inspiration organiques issus de cette collaboration questionnent à leur tour le rapport des objets et du design à la Nature. Ces pièces cherchent à saisir l’essence de ce qui compose le vivant, afin de comprendre les codes selon lesquels il se structure. Grâce à des jeux de formes, de couleurs, de reflets et de transparences, les vases semblent appartenir au vivant. Leur corps abstrait évoque des sentiments et des intuitions internes qui leur sont propres. En groupe, ces vases poussent à l’agencement instinctif, à faire vivre des organismes les uns contre les autres. Cette recherche forme un corpus à documenter et répertorier scientifiquement. C’est ainsi qu’à l’image des cabinets de curiosités, les êtres exposés sont accompagnés ici de fragments de leur création, de chutes de verre qui témoignent du processus évolutif qui leur a donné vie.

La sensualité organique qui se dégage de ces vases émane du travail des verriers du Cirva. Le traditionnel rapport, encouragé par l’institution, entre la neutralité – voir la méconnaissance –, des designers en matière de verre et le dévouement des artisans, pour lesquels chaque demande, aussi irréalisable soit-elle, donne lieu à des expériences, a offert les conditions nécessaires à saisir la fluidité inventive de la nature. Les vases ont émergé, non pas de lignes préalablement déterminées, mais de l’expression du savoir-faire des verriers. L’extrême malléabilité de la matière a permis de réfléchir aux structures et à la vie des pièces. De la manière dont les formes et les motifs se créent dans la nature, celles-ci naissent avec les mouvements des artisans, de leur corps et de leur souffle.

La collaboration organique et la gestuelle naturelle ont établi le rythme qui a permis aux vases-créatures de surgir au bout de la canne. Les vases, qui ont pris vie presque spontanément, offrent une perspective nouvelle sur le pouvoir créatif et esthétique de la nature. Ils énoncent dans quelle mesure la sensualité humaine, les gestes de son corps, son souffle et son regard permet à des répétitions de motifs, des structures micro-organiques ou des surfaces inconnues mais familières de dépasser leur utilité biologique pour toucher au sublime – des abysses à la lumière.

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