“Sybold van Ravesteyn la chambre d’amis 1925-1926”

La reconstitution de la chambre d’amis Van Ravesteyn dans la villa Noailles met en avant une réalisation marquante dans l’histoire de la modernité européenne. Marquante par la totalité du concept de cette chambre qui date de l’année 1925, mais également marquante par l’aspect d’une modernité « nordique » avant-gardiste dans cette villa du sud de la France, conçue par Robert Mallet-Stevens.

1925 est l’année de la grande Exposition internationale des arts décoratifs industriels et modernes à Paris, instaurée pour relancer la productivité innovante après la Première Guerre mondiale en France. Paris a déjà fait connaissance avec l’architecture avant-gardiste néerlandaise du cercle de l’artiste Theo van Doesburg et de sa revue De Stijl grâce aux expositions organisées par Léonce Rosenberg (1923) et par Mallet-Stevens (1924). L’ingénieur néerlandais Sybold van Ravesteyn (1889- 1983), proche de certains membres dudit cercle, peut alors montrer des meubles en noir et blanc récemment créés pour un intérieur à Utrecht, à l’occasion du pavillon de la section étrangère à Paris. La construction élémentaire et la forme asymétrique des chaises Radermacher Schorer rappellent un modèle réalisé par Gerrit Rietveld, présenté fin 1923 à Berlin dans un pavillon conçu avec Vilmos Huszár. Certaines de ses créations sont produites au début des années vingt par l’ébéniste Gerrit Rietveld dans son atelier à Utrecht. Ils se connaissent bien, tous deux sont membres actifs du Utrechtse Kunstkring. Comme Rietveld est occupé en 1925 par la conception de la maison Schröder, sa première construction architecturale, Van Ravesteyn fait fabriquer l’ensemble du mobilier de monsieur Radermacher Schorer par l’atelier Middelbeek. Eileen Gray y porte grand intérêt et permet à Van Ravesteyn de montrer ses meubles dans sa galerie parisienne Jean Désert. Marie-Laure et Charles de Noailles, à la recherche d’objets pour leur nouvelle maison à Hyères, ont adoré ses créations singulières. L’esprit novateur s’accorde parfaitement avec l’architecture de Mallet Stevens, très influencée par le travail des architectes et designers néerlandais.

Leur commande à Van Ravesteyn pour l’aménagement d’une chambre d’amis au deuxième étage date
de la fin 1925. Le mobilier, fait à Utrecht dans l’atelier Middelbeek, arrive début 1926 par bateau à Marseille.
Van Ravesteyn suit de près la réalisation sur place en étroite collaboration avec l’architecte Léon David et demande à ce dernier de respecter le choix des couleurs, car il s’agit pour lui d’une oeuvre d’art totale. L’intérieur sera complété par ses luminaires et par une œuvre de Piet Mondrian, Tableau II, achetée fin 1925 par les Noailles à Paris sur le conseil de Sybold Van Ravesteyn. La chambre est photographiée peu après et publiée ensuite par le critique d’art Christian Zervos dans la célèbre revue Les arts de la maison.

D’illustres amis des Noailles ont vu cet intérieur. Van Ravesteyn revenait régulièrement dans le sud.
Il est devenu célèbre aux Pays-Bas, spécialement pour son remarquable style architectural et ses nombreux édifices.
Depuis les restaurations de la villa Noailles, cette chambre d’amis est un sujet de recherches historiques et scientifiques. L’idée d’une reconstitution souligne son importance dans le contexte de ce lieu d’exception. Une première représentation du mobilier dans sa finition brute, sans les détails de couleurs, les objets et autres finitions, constitue le début d’une reconstitution sur place.

Monique Teunissen, historienne de l’art

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