Jean Hugo

le 28 juin 2019
Jean Hugo - © Villa Noailles Hyères

magicien

Avec l’acquisition du Faust magicien en 2012, d’une vue d’Hyères à l’encre en 2014 datant de 1948, d’un dessin de Jean Cocteau le représentant ou de multiples photographies témoignant de l’amitié entre les Noailles et lui, Jean Hugo (1894-1984), arrière-petit-fils de Victor, est bien présent dans les collections de leur villa. Il est souvent apparu dans nos accrochages à propos de tel ou tel de ses amis. Aussi le moment nous a semblé venu de lui consacrer une exposition qui permettrait de faire la lumière sur ce peintre discret, la plupart du temps retiré dans son mas de Camargue, loin de l’agitation de sa jeunesse et des tumultes parisiens.
Picasso lui disait : « Tu n’es pas connu comme tu le devrais. » Marie-Laure de Noailles attribuait ce manque de célébrité au fait qu’il ne répondait jamais au téléphone. Les Noailles, eux, connaissent bien l’artiste depuis que, au cours de la première moitié des années 1920, Jean Cocteau et Étienne de Beaumont les ont présentés. C’est pour les splendides bals organisés par l’extravagant comte que Hugo réalise ses premiers costumes, montrant sa capacité à opérer métamorphoses et autres travestissements. Les Noailles ne tardent pas à se lier d’amitié avec lui et sa première épouse, Valentine, applaudissant en 1924 leurs costumes dans Roméo et Juliette mis en scène par Jean Cocteau et financé par Étienne de Beaumont. Ils admirent aussi son discret travail dans le film iconique de Dreyer, la Passion de Jeanne d’Arc tourné en 1925.
Les Noailles, outre de nombreux dessins et peintures, acquièrent un exemplaire de la suite de pochoirs du portfolio le Miroir magique, chef- d’œuvre publié par la galerie Jeanne Bucher en 1927, soit vingt scénettes surréalistes qui se déroulent dans des espaces ambigus et instables, comme un décor de théâtre ou un rêve cinématographique. Cette recherche autour de l’ambivalence de l’image trouve une nouvelle chance de s’exprimer en 1929, lorsque les Noailles, pour leur célèbre bal des Matières, lui commandent la scénographie d’un Faust magicien, un opéra de poche composé par Georges Auric. Renonçant à une mise en scène classique, il imagine de peindre des plaques de verre destinées à une projection de lanterne magique, invitant les spectateurs à une sorte de séance de cinéma archaïque.
S’il aime les ambiances lumineuses mystérieuses, Jean Hugo se plaît aussi à décrire rigoureusement un paysage, se faisant moine copiste de la réalité ; ainsi des vues de la vieille ville d’Hyères peintes depuis la villa moderniste des Noailles où il se rend fréquemment. Se jouant des conventions, Jean Hugo se déplace entre différents genres, se frayant un chemin entre le Douanier Rousseau et Picasso, les cubistes et Fra Angelico, Cranach et Roger de la Fresnaye, à l’image de sa version du blason de la famille Noailles à la fois primitive et moderne. Ami de Cocteau, de Radiguet et d’Auric, il devient tour à tour créateur de costumes, de décors de théâtre, peintre de céramiques, cartonnier de tapisserie, illustrateur de livres, fresquiste ou miniaturiste, mais aussi portraitiste bienveillant d’une Camargue légendaire peuplée de licornes ou de centaures, comme l’explique Marie- Laure de Noailles dans un court texte écrit à l’occasion de l’exposition d’Hugo à Londres en 1936. À l’ombre des avant-gardes mais tout en y participant pleinement, l’inclassable Jean Hugo, une nouvelle fois convié à la maison Saint- Bernard, nous fait le plaisir de quelques tours de magie.

Stéphane Boudin-Lestienne et Alexandre Mare
Comissaires

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